RÉGÉNÉRATION ET CICATRISATION

RÉGÉNÉRATION ET CICATRISATION
RÉGÉNÉRATION ET CICATRISATION

Tous les êtres vivants sont capables, à des degrés divers, de réparer les dommages causés à l’organisme. Dans son sens le plus large, le terme de régénération désigne tous les phénomènes de réparation au cours desquels un individu retrouve son intégrité; c’est le remplacement par l’organisme d’une partie perdue spontanément, accidentellement ou expérimentalement. La cicatrisation peut être considérée, dans une certaine mesure, comme une modalité de la régénération au sens large. Beaucoup d’Invertébrés peuvent régénérer une partie importante de leur organisme; chez ces animaux, régénération et cicatrisation vont généralement de pair: la cicatrisation, dans ce cas, est la simple fermeture de la blessure par l’épiderme sous lequel le régénérat va s’édifier. Chez les Vertébrés, par contre, régénération et cicatrisation, même si elles peuvent s’observer ensemble, sont deux phénomènes bien distincts. La cicatrisation est la fermeture d’une plaie par un tissu conjonctif fibreux néoformé, qui constitue la cicatrice proprement dite; il remplace le tissu normal détruit, qui, lui, n’a pas été régénéré. Il existe une sorte de compétition entre ce tissu conjonctif banal, qui tend à combler la brèche, et le tissu «noble» spécialisé: la régénération des cellules spécialisées et fonctionnelles du tissu lésé est empêchée par la présence du tissu cicatriciel fibreux, plus rapide à se former. C’est ainsi qu’on a pu supposer que l’absence de pouvoir de régénération chez un grand nombre de Vertébrés est due à la formation précoce du tissu cicatriciel. On a pu, en effet, obtenir des processus de régénération chez la grenouille adulte, qui est normalement incapable de régénérer, en empêchant par divers procédés d’irritation (chlorure de sodium) la cicatrisation trop rapide de la plaie après une amputation.

La régénération vraie est la restauration à la fois de la fonction et de la forme d’un organe lésé ou amputé. Elle est rare chez les Vertébrés supérieurs; en revanche, ceux-ci présentent un autre type de réparation, qui ne restaure que la masse et la fonction d’un tissu, non la forme de l’organe lésé, c’est l’hyperplasie régénératrice .

1. Régénération chez les Invertébrés et chez les Vertébrés inférieurs

Dans les conditions normales, l’hydre d’eau douce renouvelle constamment ses tissus. Les cellules usées sont éliminées à la base du tronc, tandis que des éléments nouveaux se forment au sommet, dans la région hypostomiale. Ainsi, l’hydre se régénère tout au long de sa vie. De même, l’épiderme humain se renouvelle continuellement par desquamation des cellules mortes en surface et par prolifération des cellules à sa base [cf. PEAU]. Ce phénomène de régénération physiologique est universellement répandu. Il est courant cependant, lorsqu’on parle de régénération, d’envisager un phénomène beaucoup plus spectaculaire: c’est la reconstitution, par un animal lésé, de fragments importants de son corps, fragments composés d’un organe entier ou de plusieurs organes, eux-mêmes constitués de plusieurs tissus différents. C’est ce qu’on appelle «régénération traumatique». Ainsi le corps de l’hydre peut-il être sectionné en plusieurs tronçons: en quelques jours, chaque fragment reforme tout ce qui lui manque, donnant une hydre normale, plus petite que l’animal dont elle est issue, mais complète (A. Trembley).

La régénération présente, d’après cette définition, une analogie profonde avec le développement embryonnaire. Elle peut être interprétée comme une deuxième morphogenèse. L’ontogenèse tend à créer un tout, c’est-à-dire un organisme normal et complet. La régénération rétablit la normalité de l’ensemble; elle recrée le tout. On peut penser, comme A. Dugès, que «le même mécanisme, qui, dans l’embryon, a façonné les organes les uns pour les autres et les uns après les autres, agit encore dans cette faculté reproductive».

Répartition du pouvoir de régénération

Tous les animaux ne sont pas doués du pouvoir de régénération, faculté remarquable, très capricieusement répartie dans le régime animal. Dans un même groupe zoologique, certains animaux régénèrent bien, d’autres mal ou pas du tout, même parfois s’il s’agit d’espèces très voisines. En règle générale, cependant, le pouvoir de régénération diminue à mesure qu’on s’élève dans l’échelle zoologique: plus un groupe est perfectionné en organisation, moins il présente d’espèces aptes à se régénérer.

Ainsi, dans les groupes les moins évolués, on trouve des êtres doués de potentialités totales : n’importe quelle partie de l’animal régénère un tout. Chez des Invertébrés plus élevés en organisation, on observe des systèmes à potentialités régionales : de grandes parties du corps se régénèrent, mais à partir de certaines régions seulement, non à partir de n’importe quel fragment. Enfin, au sommet de l’échelle, chez les Vertébrés, l’aptitude à régénérer est plus restreinte: chez les espèces à potentialités locales , elle est encore importante mais limitée à des territoires relativement réduits par rapport à l’ensemble du corps (tabl. 1).

Chez de nombreux Invertébrés à potentialités totales et régionales, la régénération est liée à la reproduction asexuée [cf. REPRODUCTION]. L’aptitude à régénérer est alors utilisée pour la multiplication de l’espèce, les mécanismes morphogénétiques étant les mêmes dans les deux cas.

La régénération spontanée se fait aussi après autotomie , mécanisme de défense d’un animal attaqué qui se débarrasse d’un appendice pour fuir et le régénère ensuite (pince du crabe, queue du lézard).

Les types de régénération

Espèces à potentialités totales

On prendra pour type la planaire, Plathelminthe (Ver plat) de un à deux centimètres de long, d’environ un millimètre d’épaisseur, très répandu dans les eaux douces du monde entier; il existe aussi des formes marines et terrestres. Si l’on coupe une planaire en trois tronçons par deux sections transversales (fig. 1), au bout de vingt-quatre à quarante-huit heures, chaque surface de section s’ourle d’une frange d’un tissu translucide qui s’accroît rapidement pour donner, en trois à quatre jours, un blastème, ou bourgeon de régénération, en forme de languette triangulaire. Au microscope, le blastème révèle une structure indifférenciée. C’est un amas homogène de petites cellules de type embryonnaire, enveloppé d’un épiderme mince. Rapidement, les cellules du blastème se différencient, donnant les éléments nerveux, musculaires, digestifs, glandulaires qui vont reconstituer tous les organes manquant à chaque tronçon. En une dizaine de jours, chacun des trois fragments a reformé une petite planaire parfaite pourvue de tous ses organes. D’emblée polarisé (cf. MORPHOGENÈSE ANIMALE, chap. 3), le blastème donne la région antérieure, avec la tête, en direction céphalique, et la région postérieure, avec la queue, en direction caudale. Une planaire coupée longitudinalement ou en biais régénère aussi parfaitement.

Quelle est l’origine des cellules du blastème? Selon l’idée la plus couramment admise, le blastème se forme par accumulation de cellules spéciales de régénération, appelées néoblastes , qui sont présentes dans tout le corps de la planaire où elles constituent une réserve embryonnaire. Une amputation provoque leur migration vers la plaie et leur prolifération. Le mécanisme de cette stimulation n’est pas connu; on n’a pu mettre en évidence les hormones de «blessure» dont parlent certains auteurs. Les néoblastes sont doués de potentialités morphogénétiques totales , puisqu’ils reconstituent tous les tissus manquants y compris les éléments de la lignée germinale. Cette théorie est étayée par de nombreuses démonstrations expérimentales (école de Wolff), mais elle a aussi ses détracteurs. Quoi qu’il en soit, la réserve de néoblastes (cellules embryonnaires, riches en acides nucléiques, totipotentes et migratrices) semble ne pas être la seule source du matériel de régénération. Parfois, la régénération d’une planaire à partir d’un petit fragment entraîne des modifications importantes au sein des tissus restants, qui se dédifférencient et se redifférencient, éventuellement en d’autres tissus, par métaplasie. Cette régénération par morphallaxie s’oppose à l’épimorphose , différenciation des tissus régénérés aux dépens du seul blastème.

Des systèmes analogues à celui des néoblastes existent chez d’autres animaux doués de potentialités totales: Éponges, Cœlentérés.

Quels sont les facteurs de la morphogenèse du bourgeon de régénération? Le blastème, constitué de néoblastes totipotents et indifférenciés, reforme tout ce qui manque, mais seulement ce qui manque. Cette admirable harmonie fait intervenir un jeu complexe et précis d’actions inductrices et inhibitrices s’exerçant le long de gradients, à partir d’une région dominante appelée «point culminant» (C. M. Child, H. V. Brøndsted; cf. MORPHOGENÈSE ANIMALE, chap. 2). Lorsqu’une planaire régénère sa tête, le cerveau reconstitué induit les néoblastes avoisinants à reformer des yeux (fig. 1b et 1c). En même temps, la tête en cours de régénération exerce une action inhibitrice empêchant la formation d’autres têtes (C. M. Child, H. V. Brøndsted). Chaque organe différencié aurait ainsi la possibilité d’inhiber la différenciation de plusieurs organes semblables. Bien que totipotents, les néoblastes sont donc limités dans l’expression de leurs potentialités par des facteurs inducteurs et inhibiteurs qui les déterminent. Depuis l’élaboration par Child de la théorie des gradients physiologiques, des recherches fécondes sont consacrées à l’étude de tels facteurs, qui ont aussi été mis en évidence chez les Infusoires (Stentor ), les Hydres, les Némertes et les Annélides. La nature de ces facteurs n’est pas élucidée. Peut-être s’agit-il de substances diffusibles dont l’existence reste à démontrer? La diffusion de substances morphogènes, dont la concentration irait en diminuant à mesure qu’on s’éloigne de la source, serait un support concret satisfaisant à la théorie des gradients physiologiques.

Espèces à potentialités régionales

Au groupe d’espèces à potentialités régionales appartiennent les Annélides. Le ver de terre (Oligochète) a un pouvoir de régénération limité, quoique remarquable. Il régénère sa tête à partir d’une section antérieure pratiquée entre le premier et le quinzième segment du corps, et sa queue à partir d’une section postérieure située entre le treizième et le dernier segment. En arrière du quinzième segment, la régénération antérieure n’est pas possible; en avant du treizième, il n’y a pas de régénération postérieure (fig. 2 a).

La blessure se ferme soit par affrontement de l’ectoderme avec la paroi du tube digestif, soit par rétablissement de la continuité de chacun des trois feuillets (ectoderme, mésoderme et endoderme). Comme chez les Planaires, le régénérat est constitué, en grande partie, de néoblastes qui proviennent de cellules situées près des dissépiments (cloisons intersegmentaires). L’amputation provoque leur migration vers le niveau de la lésion. Contrairement aux Planaires, les néoblastes des Oligochètes ne sont pas totipotents; ils ne reconstituent que les tissus mésodermiques (fig. 2 b). L’ectoderme et l’endoderme se reforment à partir de l’ectoderme et de l’endoderme préexistants.

Le système nerveux joue un rôle de premier plan dans la régénération des Annélides. De nombreuses recherches expérimentales lui ont été consacrées (T. H. Morgan, M. Avel). L’ablation de la chaîne nerveuse ventrale du ver dans une région donnée inhibe la régénération dans cette région. Inversement, une chaîne nerveuse déviée peut induire la formation d’une tête supplémentaire au niveau de la déviation (fig. 2 c). L’affleurement des fibres nerveuses au niveau de la lésion est nécessaire pour activer les cellules et provoquer la régénération. En outre, le système nerveux élabore des hormones indispensables à la régénération des Annélides.

Espèces à potentialités locales

Le triton, ainsi que la plupart des Batraciens Urodèles, régénère ses appendices (pattes et queue), sa crête, son museau, ses yeux. Chaque organe ne se régénère qu’à partir de la zone entourant son point normal d’insertion, et chacune de ces zones ne reforme que l’organe qu’elle contient normalement. C’est ainsi qu’a été définie (E. Guyénot), la notion de territoire de régénération (fig. 3 a). Chaque territoire a sa spécificité: si un fragment d’un territoire est transplanté dans une autre région, il conserve ses potentialités spécifiques et engendre l’organe qui lui est propre avec tous ses os, ses muscles, ses vaisseaux, ses nerfs; ainsi, une queue régénérera à partir du tissu du «territoire queue» greffé dans un «territoire patte».

Lorsqu’un membre d’Urodèle est amputé, la région de la plaie est le siège de remaniements histologiques importants: histolyse, dissociation des tissus, dédifférenciation, prolifération et migration des cellules. Le blastème résulte de l’accumulation de cellules qui ont migré à partir des tissus dédifférenciés du moignon. Des cellules mésenchymateuses participent aussi à son édification. Il ne semble pas exister chez les Batraciens de cellules de régénération – cellules indifférenciées de réserve –, telles qu’elles ont été définies pour les Planaires. Le blastème est le siège d’une intense prolifération cellulaire. Il adopte d’abord la forme d’un cône, revêtu d’un épaississement de l’épiderme cicatriciel, la calotte apicale , formation transitoire, dont le rôle est important pour la constitution du blastème. Le cône se transforme en une palette dans laquelle apparaissent des ébauches cartilagineuses des articles du membre (fig. 3 b).

Comme dans les autres groupes, la régénération répare exactement ce qui manque. La détermination des structures produites par le régénérat est due à des interactions entre la base et le blastème. Ce dernier peut être transplanté: son devenir sera alors modifié par sa nouvelle base.

L’innervation est indispensable à l’édification du blastème des Urodèles (Guyénot). La présence d’une certaine quantité de fibres nerveuses est nécessaire (M. Singer), alors que la qualité du nerf importe peu: le nerf sciatique dévié dans le territoire queue stimule la régénération de la queue. Le rôle du système nerveux est interprété plutôt comme une action stimulatrice (trophique?) non spécifique que comme une induction.

Les Batraciens Anoures, inaptes à régénérer leurs membres à l’état adulte, en sont capables avant la métamorphose. Ce changement provoqué par la métamorphose, qui est un bouleversement physiologique d’origine endocrine, révèle que le milieu humoral joue aussi un rôle important dans la régénération.

Influence de divers facteurs sur la régénération

De manière générale, le pouvoir régénérateur décline avec l’âge, c’est-à-dire avec le vieillissement des tissus au cours de la vie. Il y a cependant de nombreuses exceptions à cette règle.

Chez la plupart des animaux, la régénération est influencée par la température du milieu extérieur. Les températures basses retardent ou inhibent le processus de régénération.

La nutrition joue un rôle important, bien que, chez la plupart des espèces (Cœlentérés, Planaires, Annélides, Urodèles), un jeûne modéré n’influence pas la régénération. En revanche, un jeûne très prolongé, jusqu’à la limite de l’inanition, la retarde ou l’inhibe.

De nombreux facteurs physiques ou chimiques qui influent de quelque manière sur la régénération sont utilisés expérimentalement pour l’étude des mécanismes du phénomène. Les recherches ont porté soit sur les rayons X, qui provoquent la mort des cellules en division, soit sur les inhibiteurs de synthèse, tels que l’actinomycine, qui empêche la transcription de l’ADN en ARN messager, et la puromycine qui inhibe la synthèse protéique en bloquant la traduction de l’ARN messager en chaînes polypeptidiques.

2. Régénération chez les Mammifères et chez l’homme

L’hyperplasie régénératrice , souvent appelée «régénération», est l’aptitude que possède un organe à récupérer une masse normale, après amputation d’une certaine partie de celle-ci, grâce à la prolifération du tissu restant. Le terme de régénération est critiquable puisqu’il s’agit d’une restauration de masse et de fonctions, non de forme. L’hyperplasie régénératrice est en fait une variété d’«histogenèse réparatrice». Elle se distingue, d’une part, de l’hypertrophie compensatrice vraie qui concerne, pour les viscères pairs (le rein par exemple), l’organe restant après maladie ou exérèse chirurgicale, d’autre part, des phénomènes de cicatrisation qui n’intéressent que la tranche de section ou la lésion de certains tissus

Index mitotiques et exemples de régénération

Chez les Mammifères et chez l’homme, la capacité latente de régénération des tissus est variable; ainsi les index mitotiques (nombre de mitoses observées sur un compte donné de noyaux) changent d’un tissu à l’autre (tabl. 2).

– Les tissus du groupe I (peau, muqueuse intestinale, épithélium pulmonaire et vésical, testicule et tissus hématopoïétiques) se renouvellent en permanence chez l’adulte. Les cellules de ces tissus, tout au moins chez le rat et la souris, se divisent très fréquemment, puisque les index mitotiques s’échelonnent de 0,5 à 30.

– Les tissus du groupe II (cortex surrénalien, foie, thyroïde, rein, tissu conjonctif) ont une activité mitotique nettement plus faible. Les index mitotiques vont de 0,02 à 0,2.

– Enfin, les cellules nerveuses et les fibres musculaires striées (groupe III) ne se divisent jamais chez l’animal adulte.

Les régénérations les mieux connues sont celles du rein, de la lignée sanguine érythrocytaire, du foie et des plaies cutanées étendues (cf. infra , chap. 3).

Le rein s’hypertrophie rapidement après ablation de son symétrique et l’hypertrophie cellulaire est le phénomène dominant. Après une période de latence, les mitoses apparaissent dans les tubes contournés et, un peu plus tard, dans les autres types cellulaires, mais il n’y a pas de formation de glomérules neufs.

L’érythropoïèse fait intervenir un assez grand nombre de facteurs tels que l’anoxie, et le facteur plasmatique (érythropoïétine d’origine rénale).

Régénération hépatique

Sur le plan expérimental, la régénération hépatique a été la plus étudiée en raison de la commodité de l’hépatectomie partielle. Le rat est l’animal de choix car l’anatomie particulière de son foie rend l’hépatectomie partielle d’une grande simplicité. Chez cet animal, l’ablation de 68 p. 100 de la masse hépatique respecte l’activité mitotique des cellules restantes, ce qui n’est pas le cas lorsqu’on utilise des toxiques ou des ligatures vasculaires.

Méthodes d’études

Pour apprécier la régénération, on a employé la pesée du foie régénéré après trois jours d’étuve et la mesure de l’index mitotique, mais ces méthodes sont d’interprétation délicate. Les techniques utilisant l’incorporation d’isotopes au sein des molécules d’acide ribonucléique (ARN) ou d’acide désoxyribonucléique (ADN) nouvellement formées dans le foie régénérant sont plus précises et apportent des données sur les phénomènes initiaux de la régénération. Chez l’homme, les méthodes scintigraphiques, simples, anodines et répétitives, permettent une assez bonne appréciation.

Modifications morphologiques, cellulaires et biochimiques

Chez le rat, la régénération du foie après hépatectomie partielle est d’une extrême rapidité. La restauration de la masse simple est totale dès le douzième jour, mais le régénérat ne ressemble pas à l’organe normal: il a la forme d’une «boule» développée aux dépens des lobes restants, et il est d’ailleurs plus friable que le foie normal, car l’apparition du tissu de soutien (collagène) est en retard sur celle des hépatocytes. L’arrêt de la régénération se fait toujours dans les mêmes délais chez le même animal. Chez l’homme, le foie retrouve son volume normal après cinq à six mois. Dans tous les cas, ce phénomène ne s’accompagne pas de formation de nouveaux vaisseaux: les artères restantes s’hypertrophient et s’allongent.

Sur le plan histologique, une accumulation massive de graisse (stéatose) constitue le fait dominant du début de l’hyperplasie régénératrice. En outre, la phase de latence après hépatectomie est très brève et n’excède pas six heures. Les divisions cellulaires ne surviennent jamais avant la vingt-quatrième heure. Le processus mitotique intéresse toutes les catégories cellulaires, mais avec un décalage chronologique de douze heures entre les hépatocytes et les cellules non parenchymateuses (canaliculaires, de bordure). La population non hépatocytaire se multiplie en effet à un degré un peu inférieur. Cette distorsion suggère la probabilité de plusieurs mécanismes régulateurs.

L’utilisation de précurseurs radioactifs (thymidine tritiée) a permis de montrer que la synthèse protéique ne débute pas avant la douzième heure et que, chez le rat, le maximum de synthèse se situe entre la douzième et la vingt-quatrième heure (moment où le taux d’ADN double) et coïncide avec la division cellulaire.

Régulation

La régulation de la régénération est d’une extrême précision. Dans le cas du foie, la masse parenchymateuse obtenue au terme de la régénération est identique à la masse hépatique initiale et respecte toujours le rapport constant qui existe entre le poids de l’organe et le poids de l’organisme auquel il appartient.

La question de cette régulation n’est pas encore résolue. En effet, non seulement la nature des facteurs intervenant au cours de la régénération reste inconnue, mais les mécanismes mêmes de la régulation sont discutés. On peut tout au plus, d’une manière générale, en invoquer deux.

– Le premier mécanisme suppose l’existence d’une influence inhibitrice due à un facteur intracellulaire , probablement sécrété par le foie; ce facteur diminue lorsqu’une partie de l’organe a été détruite: le parenchyme restant peut alors reprendre sa croissance. Dès que le volume originel de l’organe est plus ou moins atteint, le facteur inhibiteur serait synthétisé normalement et bloquerait la croissance lorsque le volume initial est restauré. L’albumine a été considérée comme la substance inhibitrice, car la plasmaphérèse entraîne l’apparition de mitose chez le rat normal; des perfusions de plasma ou d’albumine inhibent, dans une certaine mesure, la régénération hépatique; en outre, le taux d’albumine produite par le foie baisse après hépatectomie; mais les variations de ce taux sont postérieures aux premières modifications cellulaires hépatiques de la régénération, et si l’existence d’un facteur inhibiteur produit par le foie semble vraisemblable, ce facteur est actuellement inconnu.

– Le second mécanisme suppose l’existence d’une influence stimulante: facteur extracellulaire humoral , qui apparaîtrait à la suite d’une perte de substance. Sous l’effet de ce stimulus, les cellules survivantes commenceraient à se diviser et à se multiplier. Cette excitation à la croissance disparaîtrait quand la régénération serait complète. En outre, le sérum d’animaux hépatectomisés a une influence mitoactivatrice que l’on a mise en évidence par des expériences de parabioses, de circulations croisées et sur des cellules hépatiques en culture. Pourtant, ce facteur dont la nature reste encore indéterminée n’est pas présent dans le foie.

La régénération du foie relèverait du premier mécanisme, alors que celles du rein et de la lignée érythrocytaire seraient dues à des substances stimulantes. Dans la reconstitution des autres tissus ou organes, telles la peau et la muqueuse intestinale, des facteurs activateurs locaux joueraient un rôle analogue dans l’induction qui précède la période de latence.

3. Cicatrisation

La cicatrisation est le remplacement par un tissu conjonctif fibreux d’un tissu normal détruit par une «agression» ou par une maladie; c’est une réparation, non une véritable régénération du tissu lésé. Certaines cicatrices sont des réparations efficaces qui restaurent la fonction normale, mais d’autres s’accompagnent d’une altération de la fonction. Dans la peau et les muqueuses, le tissu conjonctif de la cicatrice est recouvert par de l’épithélium régénéré, que l’on considère un peu à tort comme faisant partie de la cicatrice. Bien que de nombreuses cellules spécialisées des tissus de Mammifères (en particulier chez les jeunes) possèdent jusqu’à un certain point le pouvoir de régénération, si efficace chez beaucoup d’animaux inférieurs, ce sont généralement des cellules indifférenciées du tissu conjonctif qui effectuent d’abord la réparation; le tissu cicatriciel qui en résulte inhibe la régénération des cellules spécialisées. Dans le cas des tissus qui prolifèrent pendant toute la vie de l’individu, il s’agit d’une régénération vraie. Ces tissus comprennent le revêtement épithélial de la peau et des muqueuses, ainsi que les cellules hémoformatrices de la moelle osseuse et des tissus lymphoïdes.

Processus de la cicatrisation efficace

Déclenchement de la cicatrisation

C’est presque sûrement la lésion elle-même qui déclenche le processus de réparation, mais le mécanisme de cette stimulation reste obscur. En effet, bien qu’on sache que des médiateurs chimiques émanant des tissus lésés sont responsables des réactions inflammatoires qui suivent la lésion (cf. processus INFLAMMATOIRE), il n’est pas évident que de tels médiateurs provoquent la réparation; en outre, l’existence d’hormones qui stimulent la guérison des plaies n’est pas prouvée. Certains auteurs prétendent actuellement que la destruction de cellules mûres supprime la source d’un inhibiteur chimique bloquant la tendance innée à la prolifération des cellules de même type, mais plus jeunes que les cellules détruites. On a proposé le nom de chalones pour ces inhibiteurs, et on a produit certaines preuves de leur existence. On peut penser que, à mesure que de nouvelles cellules se différencient, elles fabriquent à leur tour la chalone inhibitrice; celle-ci arrête le processus régénérateur et réparateur une fois la cicatrisation achevée. L’hormone de croissance sécrétée par le lobe antérieur de l’hypophyse ne joue aucun rôle dans la réparation et la cicatrisation.

Formation de la charpente de réparation

Les plaies de la peau qui n’atteignent pas le tissu sous-cutané guérissent sans laisser de cicatrice. En ce qui concerne les plaies qui lèsent le tissu sous-cutané, des différences existent entre la guérison des blessures dues à une simple incision et celle des plaies où un fragment de peau assez étendu a été enlevé.

Cas des plaies linéaires

L’idée qu’on se faisait des rôles respectifs de l’épithélium et des tissus conjonctifs dans la cicatrisation des plaies linéaires a changé. On a longtemps admis le déroulement suivant: l’espace délimité par la plaie se remplit d’un caillot sanguin, charpente provisoire de réparation dans laquelle s’introduisent, au cours des vingt-quatre à quarante-huit premières heures, des leucocytes et des fibroblastes provenant du derme adjacent, tandis que de nouvelles cellules épithéliales, issues de l’épiderme vivant des lèvres de la blessure, s’étalent à la surface du caillot, au-dessous d’une zone superficielle desséchée (la croûte), qui se détache une fois la réparation terminée. Pendant cinq à quinze jours, les fibroblastes qui ont envahi le caillot sécrètent des fibrilles collagènes qui «mûrissent», puis forment un réseau épais de fibres en quelques semaines ou quelques mois.

Selon une théorie récente, seule la région profonde de la plaie est remplie par le caillot (fig. 4 a), tandis que, durant les vingt-quatre à quarante-huit heures qui suivent l’incision, des cellules épidermiques non kératinisées, provenant des lèvres de la plaie, s’étalent sur les parois de la blessure, en atteignent le fond après cinq à huit jours (fig. 4 b et 4 c) – c’est à ce moment que, pour des raisons cliniques, on enlève les fils de suture –, se multiplient et pénètrent dans les défauts des parois de la blessure (fig. 4 d), y compris, dans l’espace des points de suture. Simultanément, les fibroblastes commencent à proliférer, surtout à partir du tissu sous-cutané où se trouvent des cellules conjonctives peu différenciées. Pendant les dix à quinze jours suivants, l’épiderme qui tapisse l’intérieur de la plaie se rétracte ou est expulsé par la fibroplasie, laissant souvent des amas cellulaires dans la plaie elle-même (fig. 5) ou dans les lacunes de la suture. Au bout d’un mois environ, la plaie est remplie d’un tissu conjonctif vasculaire; il ne reste de l’épiderme qu’une mince couche qui se développe progressivement à la surface en une couche cornée (fig. 4 e). Durant les mois suivants, les fibroblastes sécrètent des fibres collagènes qui «mûrissent» et vont être prises dans une matrice mucopolysaccharidique. Les fibres collagènes en cours de maturation se contractent; elles oblitèrent alors les vaisseaux et ne laissent après quelques mois qu’une cicatrice blanchâtre et avasculaire, constituée de collagène et dans laquelle subsistent de très rares noyaux cellulaires.

Cas des plaies étendues

Les blessures, dans lesquelles l’agression traumatique ou suppurante a produit une brèche importante, cicatrisent bien plus lentement. Il semble, en effet, que l’extension de l’épithélium, qui va recouvrir la plaie, soit limitée par le fait que, d’une part, les cellules épithéliales qui migrent à partir des bords de la plaie ne se divisent pas; que, d’autre part, la source de ces cellules, c’est-à-dire l’épithélium qui borde la plaie (fig. 6), n’est pas inépuisable malgré son épaisseur, d’où l’utilité des greffes. Dans les brûlures, l’épithélium des glandes sudoripares, qui se trouvent souvent dans le tissu adipeux sous-cutané et survivent à la brûlure, peut contribuer notablement à la cicatrisation. Celle-ci peut être accélérée par greffe d’un épithélium, prélevé sur la peau du même individu.

Quand une grande surface de peau a été enlevée ou complètement détruite d’une façon ou d’une autre, la lésion peut être considérablement réduite par rétraction. Ce phénomène est dû probablement à la migration des cellules fibroblastiques dans la peau qui entoure la lésion comme le cadre d’un tableau. Le mécanisme exact de ce processus est inconnu, mais une lésion peut se réduire à environ 80 p. 100 de sa taille, surtout si la peau est mobile.

Formation du tissu de granulation

Les faits décrits plus haut et la formation du tissu de granulation sont simultanés. Ce dernier, précurseur du tissu cicatriciel fibreux, est constitué de fibroblastes mobilisés dans le tissu sous-cutané des bords de la blessure, et de vaisseaux sanguins qui bourgeonnent à partir de capillaires préexistants sur les bords (fig. 7). Les fibroblastes et les capillaires pénètrent en même temps dans le caillot de fibrine laissé au fond de la plaie par la coagulation du sang épanché. Les bourgeons vasculaires peuvent être tubulaires dès le moment de leur formation, ou bien le devenir plus tard. Les nouveaux vaisseaux s’unissent pour former des arcades dans lesquelles le sang circule et d’où des monocytes sanguins peuvent émigrer soit pour phagocyter les débris, soit pour se transformer en fibroblastes, comme le pensent certains auteurs. Grâce à la prolifération des cellules endothéliales des vaisseaux sanguins, les arcades capillaires s’allongent. La quantité de tissu de granulation augmente ainsi jusqu’à ce que la cavité de la blessure soit comblée. C’est probablement sous l’influence de forces s’exerçant sur la blessure que les fibroblastes situés entre les vaisseaux capillaires s’alignent dans la direction des fibrocytes de la peau originale et élaborent des fibres collagènes, tandis qu’une matrice mucopolysaccharidique, vraisemblablement synthétisée par les mastocytes (polynucléaires basophiles) qui ont migré dans le tissu de granulation, apparaît entre les fibres collagènes.

Une fois la brèche du derme comblée par le tissu de granulation et son étendue réduite par rétraction, des cellules épidermiques non kératinisées, produites par l’activité mitotique de l’épithélium des bords de la plaie, viennent en général se glisser par-dessus le tissu de granulation. À ce moment, et même si l’épaisseur de la couche épithéliale n’excède pas une assise cellulaire, le tissu de granulation cesse de proliférer et donne progressivement du collagène avasculaire, comme dans une cicatrice laissée par une blessure incisée. Le processus de cicatrisation des plaies linéaires et étendues est similaire. Toutefois, la formation du tissu de granulation, insignifiante dans le premier cas, est le fait caractéristique des plaies à brèche importante.

Les facteurs qui retardent la cicatrisation sont soit locaux (infection, présence de corps étrangers dans les plaies), soit généraux: la carence en vitamine C et en zinc, ainsi que les fortes doses d’hormones adréno-corticostéroïdes, telles que celles utilisées dans le traitement de la polyarthrite chronique évolutive.

Réparations non efficaces

Les cicatrices sont parfois insuffisantes ou même nuisibles. Ainsi, à la suite d’une nécrose due à une thrombose coronaire non mortelle, le muscle cardiaque mort est remplacé par un tissu cicatriciel, qui ne peut participer à l’activité rythmique du cœur: il en résulte souvent une insuffisance cardiaque. De même, le tissu musculaire et élastique d’une artère blessée ou infectée peut être remplacé par un tissu cicatriciel fibreux peu élastique; celui-ci, en se dilatant, forme un anévrisme qui finit par se rompre. Dans la paroi abdominale, il arrive également qu’une cicatrice s’étire au point de donner une hernie. Dans les régions visibles de la peau, il y a des cicatrices inesthétiques. Une contraction excessive du tissu cicatriciel dans la peau risque d’immobiliser des articulations; dans le cas des organes tubulaires, elle peut les obstruer. La cicatrisation des valvules cardiaques, à la suite d’un rhumatisme articulaire aigu, entraîne une insuffisance ou un rétrécissement (sténose) de celles-ci. L’hypertrophie du tissu cicatriciel (formations chéloïdiennes) n’est pas exceptionnelle, mais son évolution cancéreuse est rare.

Dans le système nerveux central, les cicatrices se constituent par prolifération de la névroglie. Les cellules du système nerveux central ne régénèrent pas. L’os a un grand pouvoir de régénération; les fractures se soudent grâce à la néo-formation de tissu osseux (cal). Une fracture peut entraîner des difformités, mais il est assez rare que la soudure soit effectuée par du tissu fibreux.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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